Sa vie n’a toujours été que fuite. Dissimulée derrière le nomadisme. Elle a esquivé, longtemps, ses terres d’origine. En quête de son identité, entravée des années durant par cette figure maternelle au demeurant de néant. Poussée par l’incompréhension d’une fermeté paternelle injustifiée, la danoise ces dernières années ont été témoins de ce désir qui l’animait au fond d’elle. Le dos tourné à son foyer natal, l’Europe puis, plus largement, le globe, ont été son échappatoire. Un terrain d’aventure des plus vastes pour la satisfaire, enfin, elle le croyait. Aucune croyance n’est jamais à l’abri d’être démontée en un tour de main.

Katharina a cru, d’abord, qu’elle pourrait trouver refuge dans des écuries irlandaises, pratiquant enfin complètement cette passion qui lui est longuement demeurée interdite, puis partiellement tolérée. Immiscée dans une écurie de complet, elle a découvert la vie au rythme des chevaux. Les hennissements et les claquements de sabots lui ont communiqué un souffle nouveau. Le bonheur la guettait. D’abord groom, soignant les athlètes à toute heure et tout jour de la semaine, trimballée de part et d’autres du pays, en franchissant parfois même les frontières, elle a pu faire ses premières preuves. Et petit à petit, elle s’est vue monter au grade de cavalière maison. De soins quotidiens, elle s’est retrouvée à accompagner le travail de certains quadrupèdes. L’acquisition de nouvelles compétences qui n’ont toutefois pas eu raison de sa soif d’apprentissage.

Ses aventures de cavalière soigneur l’orientent ensuite vers un pays plus centralisé du circuit européen. Katharina atterrit dans une grande écurie liant élevage et compétition dans les trois disciplines olympiques en plein cœur de l’Allemagne. L’occasion pour elle de se perfectionner en dressage classique auprès de la fille de son patron, tout en accompagnant la fratrie sur les plus belles pistes du circuit européen. Peu à peu, elle s’éprend de l’aîné, qui pratique le complet. Si tout semble les opposer, l’entente est belle et bien avérée. Et leur aventure dure plusieurs mois, avant que la danoise ne se résout à reprendre sa route, encore assoiffée de découvertes. Ils se quittent non sans regrets, mais en très bons termes.

Après l’Allemagne, elle a rejoint une nouvelle contrée. Toujours plus éloignée de sa source, loin d’arriver au bout de sa quête. Il lui fallait plus. Découvrir un monde nouveau, se rapprocher de son âme de poète solitaire. Perdue à l’intérieur des terres portugaises, hébergée au sein même d’une hacienda des plus traditionnelles, elle a mis pied à terre dans une culture qui lui était jusqu’alors inconnue, comme de l’ordre du mythe. Entourée de vaches et de nobles représentants de la race lusitanienne, elle a trouvé ses deux premiers compagnons de vie marquants : Pedro et Saudade. Si elle s’est séparée de l’un, l’autre est toujours au plus près d’elle. Parfaitement intégrée la la famille au quotidien baigné de traditions, elle s’est émerveillée à leurs côtés, s’est enrichie l’esprit et le cœur. Éternellement marquée par ces rencontres qu’elle ne regrettera jamais, elle a finalement décidé que ce serait cette culture, qui ferait battre la chamane de sa vie équestre.

L’étalon lusitanien l’a accompagnée dans une aventure nouvelle, qui les occupera durant deux ans et demi. Ils rejoignent un ami à elle rencontré au cours de ses aventures dans le monde du complet. Ils passent une année tous les deux, à se soutenir l’un et l’autre autour du globe, consolidant leur amitié d’une confiance aveugle. L’amour des chevaux et des petits bonheurs les plus simples les rassemblent, tout autant que l’envie de vivre leur passion au rythme des voyages de l’académie nomade. Ils n’ont pas les même pratiques, mais ils s’accordent sans la moindre difficulté. Toutefois, les choses changent, alors que le cousin de celui-ci intègre à son tour leur quotidien. D’abord méfiante, réservée sur la possible entente des deux bruns qu’elle sait plutôt compliquée, elle assiste, patiemment, à la création d’un équilibre nouveau. Puis elle participe à sa stabilisation. Le couple est retrouvé, le trio est fondé. C’est un autre quotidien qui les attend ensuite, chamboulé par deux nouvelles arrivées dans leur petit groupe, mais aussi par un agrandissement de leur famille à quatre pattes. Petit à petit, c’est une certitude qui se consolide : c’est la vie qu’il lui faut. Ces personnes sont celles qui doivent l’entourer. Ce cheptel grandissant la stimule plus qu’il ne l’effraie. Et elle fait plusieurs rencontres, qui l’amènent à se rapprocher d’un éleveur de lusitaniens, permet à une nouvelle idée de germer dans son esprit.

« Ta mère était une cavalière italienne. » Après plus de vingt années de silence, l’aveu est enfin prononcé, le voile est finalement relevé. Pour la première fois depuis toujours, son père consent à lui livrer quelques informations sur cette mère qu’elle n’a jamais connu. Et bien qu’elle l’ait toujours supposée décédée, l’ignorance lui était insupportable. L’Italie. Le pays des délices culturels et culinaires, berceau des langues latines, coule donc dans ses veines. C’est un poids qui se libère, et une nouvelle envie naissante de découvrir ces origines jusqu’alors ignorées. « Père, je ne rentrerai pas au Danemark. » lâche-t-elle finalement. Avec le soutient inébranlable de l’allemand et de l’irlandais, son épopée internationale touche à sa fin. Ô douce Italie, la voici.

Il est de ces nuits de rêve dont on aimerait ne jamais se réveiller. Ces nuits si tranquilles, où l’illusion d’une vie plus paisible, nue de tout défaut, paraît enfin accessible. Le réveil se veut difficile, la rupture avec le songe n’est que mal vécue. Il faut parvenir à se remettre en phase avec la réalité souvent bien moins satisfaisante, composer avec ses quelques teintes de gris. Ou, à défaut, broyer du noir. Se lamenter tant et encore, à ne plus en savoir les motifs. Et se terrer dans un gouffre sans issue, s’enfermer dans ce carcan de négativité.

La douce Katharina, elle, ne se réveille jamais. Dernière à se plaindre, première à chercher une once de positivité à chaque situation déplaisante rencontrée, elle n’est pas de ceux dont les lamentations suscitent l’agacement, lorsqu’elles ne sont pas déjà contaminantes. Bien au contraire, la danoise voue une véritable adoration à la vie. Amoureuse de nature et de littérature, elle habite un monde de poésie et d’évasion. Parfois candide aux yeux de certains, elle n’en ignore pas pour autant la dure réalité des choses ; l’impossibilité de certaines idéalisations. Plus maline qu’elle n’y paraît, et loin d’avoir pour cerveau une arachide, la jeune femme n’est pas sans ressources pour se tirer de ce que d’autres nommeraient des mauvaises passes. Telle une arachnide, elle tisse, patiemment, unit les différents éléments qui parviendront à l’aider dans son ascension, dans cette quête ultime qu’est la conservation de sa félicité.

Discrète, il est rare d’entendre la danoise parler d’elle. Oreille attentive, elle récolte plutôt les peines de ceux qui lui sont proches, leur apporte un soutien infaillible. Si elle n’est pas toujours douée pour trouver les mots justes, elle sait faire preuve d’empathie. Loin de chercher le devant de la scène, elle n’est pas pour autant la dernière à encourager les autres dans leur quête de réussite. Prête à tout pour ceux qui lui sont chers, elle ne compte ni son temps ni son énergie écoulés, sans jamais rien attendre en retour. Aussi ouverte d’esprit qu’elle puisse être, il faut toutefois parvenir à lui faire bonne impression avant d’obtenir toute son amitié et la dévotion qu’il en découle. Naturellement méfiante, la douce ne va pas vers n’importe qui, choisit avec attention ceux qui entreront dans sa vie, n’ayant de temps à perdre dans quelque relation toxique. Impartiale lorsque le cœur lui en est, elle oublie difficilement la douleur, ne laissera pas bien des chances de rachat.

Avant toute chose passionnée, Katharina ne vit que pour les chevaux. Si elle a longtemps rêvé d’entrer dans le milieu, la concrétisation de cette idylle a été une affaire de patience. Tenace, l’affaire n’a jamais été lâchée, pour la mener au stade où elle en est. Guidée par le fil de la vie, loin de chercher la préméditation, cueille le jour est un adage qui ne lui convient que trop bien. Quand bien même elle peut souhaiter certaines choses en particulier, elle se satisfait d’autant d’issues différentes. L’imprévu ne lui déplaît guère, du moment qu’il ne touche en aucune manière à la santé de ses protégés. Protégés qu’elle chouchoute, auxquels elle voue le plus profond des amours, parfois mêlé d’adoration. Elle se fierait à eux aveuglément, persuadée qu’il n’est de cœur plus pur que celui d’un animal, quand ceux des hommes sont gâtés de bien des vices. Ainsi est-elle définie.

Saudade est né dans la région d'Alentejo, dans un des nombreux élevages de tradition du cheval lusitanien du Portugal. Ses origines traduisent une ascendance Veiga pure souche, comportant entre autre Altivo, grand nom de la tauromachie portugaise. En d'autres termes, les papiers de l'isabelle le destinaient dès sa naissance à la corrida.
L'étalon a grandi avec tout le respect d'un éleveur aimant ses bêtes. Il a été mis en vente dès ses trois ans, avant d'être débourré. Saudade fait partie de ces lusitaniens de classe moyenne qui se vendent le moins bien. Pourtant, sa robe eut vite fait de l'envoyer chez un amateur de corrida. Une période d'essai de quinze jours fut accordée mais le cheval revint chez son éleveur au bout d'une semaine, complètement déréglé sur le plan mental.
Saudade resta plus d'un an sans trouver d'acheteur, ni même quelqu'un capable de le remettre en équilibre dans sa tête. On choisit alors de le faire ferrer et de commencer tout de même son débourrage, en espérant un miracle. Mauvais maréchal, mauvaise qualité de pose et de fer, et le lusitanien se retrouva les pieds engorgés.
Katharina a fait l'acquisition d'un cheval de quatre ans, non débourré, mal dans sa tête, et inapte à être ferré par crainte que l'équidé devienne définitivement inutilisable. Elle l'a laissé près de huit mois au repos avec d'autres chevaux, avant que leur histoire ne commence. Il est le seul cheval qu'elle a acheté sans avoir l'idée de le revendre après valorisation ou vieillissement.

Saudade semble avoir pardonné l'Homme pour ses débuts tumultueux mais reste un cheval particulièrement méfiant, voire craintif, principalement en présence d'inconnus. Son œil doux témoigne néanmoins de toute l'affection qu'il est capable de réclamer, ainsi que de la douceur dont il fait preuve envers sa propriétaire et ses soigneurs.Très agréable de part ses allures souples et son confort, il possède des foulées relativement élancées ainsi que de bonnes aptitudes au rassembler et aux autres allures plus relevées. Ses gènes Veiga font de lui un cheval plutôt agile est très vivace. Son équilibre semble à l'épreuve de tous les airs de basse et de haute école, dont il est en plein travail. Habitué à sortir régulièrement en extérieur pour entretenir son moral, il se montre aussi endurant et sûr dans tous les terrains bien qu'il soit pied nu. S'il s'avère assez docile dès lors que l'on ne cherche pas à l'exciter ou à le contraindre, il a le sang très chaud et peut facilement partir en petites cabrioles sous un simple surplus d'énergie. Il est de ces chevaux courageux et volontaires qui cherchent à bien faire mais dont l'énergie trop abondante peut les rendre délicats à monter. En groupe, s'il n'est pas bagarreur, il n'est pas pour autant soumis et aura parfois tendance à chercher à dominer, sauf si un autre équidé se montre potentiellement trop caractériel. De ce fait, il est en mesure de cohabiter aussi bien avec des hongres qu'avec des étalons, à partir du moment où aucun d'entre eux n'a tendance à chercher absolument à dominer à tout prix.